Julia Margaret Cameron, Julia Jackson, 1867

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Il s’agit ici de s’affranchir de la connaissance que l’on a de l’auteur, photographe sur le tard, du bric-à-brac de ses aspirations poétiques, littéraires, allégoriques, de ses chérubins aux ailes factices, de l’Angleterre Victorienne, de l’influence de Tennyson et de la peinture préraphaélite, ou encore des considérations techniques sur le collodion humide. S’affranchir aussi de ce que l’on sait du modèle : Julia Jackson est la nièce de la photographe et deviendra la mère de Virginia Woolf. Il s’agit de considérer cette image pour ce qu’elle est : un portrait photographié.

Le cadrage est serré. Un visage de femme surgit du noir. Sur ce visage, frontal, aux cheveux épais un peu en désordre (cette femme n’est pas aprêtée, ne minaude pas, ne pose pas) la lumière crue et rasante fait saillir chaque pore de la peau de sa joue gauche. Sur cette image, intense, presque brutale, une femme me regarde (te regarde, nous regarde, regarde Julia Margaret Cameron), fixement, presque hallucinée d’être là, dans l’image, à me regarder (te regarder, etc). Débarrassé de tout référent historique et de toute anecdote, ce portrait, abrupt, sans séduction, d’une étonnante modernité (presqu’un siècle avant Avedon) atteste de deux choses : Julia Margaret Cameron était une grande photographe, elle était aussi un précurseur.

Publié par

Caroline Benichou

Si tant est que je sache faire quelque chose, je crois que je sais regarder et je sais aussi que tout regard est entaché d'erreur, car c'est la démarche qui nous projette le plus hors de nous-mêmes, et sans la moindre garantie... Julio Cortazar, Las Babas del Diablo

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