Michael Ackerman

J’essaie d’échapper aux pièges de la réalité tout en conservant un lien avec le réel. Car les photos ne sont pas des inventions mais des rencontres. Il ne s’agit pas de recherche esthétique. Que tout soit hanté n’est pas une volonté complètement délibérée. Mais, pour moi, la photographie est inséparable de la disparition. D’où le besoin de s’accrocher à l’impossible. Les photos sont les seules preuves de ce qu’on a éprouvé. Non des faits eux-mêmes.

Se déprenant de toute adhérence à la réalité, affranchies de toute anecdote, les images fébriles de Michael Ackerman s’imposent comme un écho lancinant. Sillonnées de présences spectrales, ses photographies, tremblées au grain démesuré, sont autant de stigmates de sa contiguïté au monde : elles n’attestent de rien – sinon de sa présence et de ses rencontres. Elles sont autant de visions fugitives, parfois hallucinées, relatant la nuit, la ville, l’enlacement, l’urgence, souvent le sentiment prégnant de la disparition. Michael Ackerman évolue constamment dans un rapport liminal (par le décadrage, le tressaillement, le flou) à la photographie, à ses sujets, enfin au réel. Il engendre ainsi une inquiétante étrangeté. Dans ses images, affranchies de tout référent spatial ou temporel, le monde qu’il donne à voir, transcendant toute appréhension objective du réel, déborde.

Publié par

Caroline Benichou

Si tant est que je sache faire quelque chose, je crois que je sais regarder et je sais aussi que tout regard est entaché d'erreur, car c'est la démarche qui nous projette le plus hors de nous-mêmes, et sans la moindre garantie... Julio Cortazar, Las Babas del Diablo