Shoji Ueda, Quatre filles, 1939

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© Shoji Ueda

Si l’espace est infini, nous sommes dans n’importe quel point de l’espace. Si le temps est infini, nous sommes dans n’importe quel point du temps.
Le livre des sables, Jorge Luis Borges.

L’univers photographique et poétique de Shoji Ueda est immédiatement reconnaissable. Il mêle à l’épure graphique et au minimalisme formel un plaisir ludique manifeste. Il fait des dunes de la plage de Sakaiminato son terrain de jeu. Espace vierge et infini, elles deviennent une scène de théâtre où il vient composer ses images comme autant de petites fables déclinées sur le sable. Ici, les quatre fillettes funambules semblent posées sur la ligne d’horizon qui s’étire dans l’image panoramique. La photographie évoque le détail, rythmique et graphique, d’une partition musicale. Les enfants se ressemblent tant que l’on pourrait croire à une vision hallucinatoire ou onirique : la même petite fille déclinant quatre attitudes différentes sur l’écran du ciel, quatre fractions d’elle-même dans l’espace de la photographie ou quatre moments d’elle-même dans le temps de la photographie. Le jeu de miroir, mise en abyme sans perspective et mise à plat, pourrait se poursuivre à l’infini s’il n’était pas contenu dans le cadre de l’image.

Publié par

Caroline Benichou

Si tant est que je sache faire quelque chose, je crois que je sais regarder et je sais aussi que tout regard est entaché d'erreur, car c'est la démarche qui nous projette le plus hors de nous-mêmes, et sans la moindre garantie... Julio Cortazar, Las Babas del Diablo