Joan Fontcuberta développe une œuvre critique explorant le rapport de la photographie à la vraisemblance, à son pouvoir de conviction et d’autorité documentaire aussi bien qu’au rapport que nous entretenons à un médium qui substitue la vérité par l’apparence.
La photographie agit comme le baiser de Judas : le faux attachement vendu pour trente deniers, un acte hypocrite et déloyal, qui cache une terrible trahison, en somme la délation de quelqu’un qui prétend incarner la vérité et la vie. La véracité de la photographie s’impose avec une candeur semblable.
Dans plusieurs de ses séries, il s’intéresse au corps, à la matière même de la photographie. Trauma rassemble des images malades : des tirages ou des négatifs argentiques altérés par la temps.
La photographie n’aurait donc pas tenu sa promesse (que naïvement nous avions eu envie de croire), celle de fixer pour l’éternité un petit fragment de réel et de temps par la magie de son alchimie précaire. La matrice même se détruit, laissant échapper l’image, dans une agonie de la représentation que nous livre le photographe. Le support devient amnésique, le corps de l’image ne fait plus corps avec le photographié.
Des photographies, surfaces vivantes, métabolismes en évolution auxquels la mort réclame son dû, il ne reste que les substrats organiques et déliquescents, vestiges désincarnés. Joan Fontcuberta nous livre une autopsie de ces blessures, agrandissant et mettant dans des caissons lumineux la beauté ultime de ces images fantômes avant leur complète disparition.